De ce récit réjouissant par le vécu positif qui y est relaté dans cette SSII – témoignage d’ « Une femme dans le monde de l’informatique »* – j’en ai extrait deux éléments qui m’ont interpelée et que je reprends ici. Ils questionnent ce qui peut se jouer de fragile quand la parité n’est pas encore là, dans un univers encore majoritairement masculin.

Un processus d’évaluation naturellement biaisé

« Je suis jugée sur mon travail, mon engagement et mes résultats, au même titre que tous les autres collaborateurs ».

La recherche d’égalité de traitement dans l’évaluation des résultats est plus que nécessaire, elle est fondamentale. Elle pose néanmoins la question des profils de ceux qui évaluent derrière ce processus d’évaluation.

Une étude expérimentale a montré que les groupes/comités constitués majoritairement d’hommes évaluent les profils « hommes » sur la base de leur potentiel, là où ils évaluent les profils « femmes » sur la base de leurs compétences.

Intention discriminatoire ? Aucunement. Simplement une question d’expérience subjective, de biais et de processus d’identification au candidat. Il serait plus aisé pour un homme de projeter sur un autre homme une progression de carrière par lequel il aurait pu lui-même passer. Pouvant s’imaginer plus facilement les étapes à parcourir avec un homme, il peut moins s’identifier au parcours et vécu d’une femme. Le support le plus tangible sur lequel peut donc s’appuyer un homme est le socle de compétences des femmes.

On peut aussi deviner comment cet état renforcerait l’injonction vécue par de nombreuses femmes de devoir redoubler d’effort pour se sentir pleinement compétentes avant de viser un poste supérieur.

La parité, l’égalité dans la différence

« Je me suis demandée si le fait que nous soyons si peu nombreuses était un problème à mes yeux. Après réflexion, la réponse est NON. Avec du recul, ce qui me dérangerait serait de ne pas être traitée sur un même pied d’égalité vis-à-vis de mes collègues hommes, ou de subir des comportements inappropriés. »

Le respect est évidemment non négociable, et ce indépendamment de la question du genre, par ailleurs. Je salue également la maturité d’une organisation telle qu’elle est décrite dans ce témoignage.

Mais cette disparité de représentation reste dommageable pour l’organisation elle-même et les perspectives d’avenir de la société. Le secteur du numérique voit venir une pénurie de profils, dont celles de profils féminins, là où les besoins seront croissants. D’après la Commission Européenne, entre 170 000 et 212 000 postes seront à pourvoir dans le numérique en France jusqu’en 2022 (source Femmes@numérique).

Cette sous-représentation, voire absence dans certains secteurs spécifiques de l’IT, limite par là-même la performance, la capacité d’innovation et de créativité d’une organisation par manque de diversité. Et ce à l’ensemble des échelons. Elle limite la capacité à dessiner des solutions valides pour les hommes et les femmes dans une société où la place du numérique devient structurante, en particulier avec l’IA. Elle prive aussi les femmes d’être partie prenante de la construction de la société d’aujourd’hui et de demain.

Moins il y a de femmes visibles, de parité ou de « rôles modèles » hommes ou femmes, moins il est facile de cultiver des envies ou des vocations de progresser dans cette voie-là. Avoir 1 à 2 femmes dans une instance dirigeante constituée de 9-10 hommes ne suffira pas à faire rêver et impulser massivement.

Sans compter qu’il ne devrait plus y avoir de raison “rationnellement valable” aujourd’hui d’empêcher des femmes de s’épanouir dans des métiers que tout personne éclairée ne saurait désormais réserver à un genre. On sait pourtant le poids des enjeux culturels.

Ni sans l’un, ni sans l’autre

J’ai conscience d’enfoncer des portes ouvertes. Mais j’aime à rappeler la nécessité d’une composition paritaire dans les différentes instances et à l’ensemble des échelons. Nous avons besoin de viser une meilleure représentativité des profils, des expériences, d’imaginaires et de vécus. Pour un jour ne plus avoir à parler de blocs « femmes » et de blocs « hommes », car nous savons aussi que ce ne sont pas des blocs homogènes.

Les initiatives de mentoring se sont développées et se poursuivent. Des outils et dispositifs existent. Une voie complémentaire : encourager les hommes à sponsoriser les femmes dans leur progression de carrière. Rendre visible les femmes auprès de ceux/celles qui ont un pouvoir d’action et de décision dans l’organisation. Faciliter les prises de poste, accompagner le développement des compétences relationnelles tant des femmes que des hommes. Proposer le partage d’expériences et de perception de la réalité par des regards croisés. Sortir des clichés sur l’existence d’un leadership genré. Et de façon plus introspective, entamer un travail de réconciliation avec les différentes énergies du masculin et du féminin qui nous animent en tant qu’individu avant tout.

Car il s’agit, me semble-t-il, de faire avec les hommes et avec les femmes.

Ni sans l’un, ni sans l’autre.

Merci à @Audrey Briffod pour ce témoignage positif, qui m’a permis de tirer ses quelques lignes à partir de son vécu.
* https://positivethinking.tech/fr/insights-fr/working-as-a-woman-in-it/

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Maria AKBARALY

Experte des dynamiques relationnelles, j’accompagne les dirigeants et leurs équipes vers l’excellence relationnelle et managériale, en cultivant l’art de la relation. Je suis convaincue que créer des liens de qualité dans le bon cadre est le soubassement d’un leadership éclairé, d’un management qui élève et d’une coopération saine. Et j’invite les personnes et les équipes à se redynamiser pour piloter l’entreprise et les projets de transformation avec fluidité et cohérence. Pour quoi ? Pour que chacun y trouve son supplément d’âme.

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